#TouchePasMaVF
La diffusion par la société américaine d’IA générative ElevenLabs de la bande annonce en version française du prochain film de Sylvester Stallone avec, non pas l’interprétation d’un artiste, mais la voix clonée d’un acteur français décédé – et dont les ayants droit n’ont pas autorisé son utilisation – est une provocation pour la communauté française du doublage et pour le public.
Alors que des négociations ont lieu depuis des mois entre les syndicats d’artistes interprètes et les commanditaires de doublage – dont les principaux studios et plateformes américaines – dans le but, d’une part, d’assurer le respect du consentement des artistes tant pour l’utilisation de leurs prestations afin d’entraîner des modèles d’IA, et ce, par une interdiction par défaut de toute collecte, de tout échantillonnage et toute constitution de bases de données, et, d’autre part, de commencer à fixer les conditions minimales, éthiques, contractuelles et économiques d’éventuels usages de leurs prestations en lien avec l’IA, nous appelons à considérer cette alerte comme sérieuse.
Les ayants droit ont obtenu le retrait par ElevenLabs de cette publication, notamment parce qu’ils ont jugé le résultat peu convaincant. Et même si Amazon Prime a confirmé par voie de presse que la version française du film qui sortira au mois de mars sera entièrement réalisée par des interprètes humains, cet épisode démontre la réalité de la menace pour l’emploi des artistes et de toute la filière.
Une version française n’est pas une simple traduction mais une véritable adaptation culturelle qui permet l’accès à toutes et tous aux oeuvres du monde entier, dans leurs diversités. Les spectateurs plébiscitent les versions françaises (VF) des films étrangers qui représentent près de 85% des entrées en salle. Ces plateformes de doublage automatique IA, le plus souvent installées en dehors de l’UE, entraînent leurs algorithmes avec des oeuvres audiovisuelles sans le consentement des titulaires des droits et sans respect de la réglementation sur les données personnelles sensibles, que sont la voix et le visage d’un artiste.
Si nous ne régulons pas rapidement l’usage de l’IA dans le doublage et sa diffusion, en exigeant comme préalable une conformité des outils avec le Règlement sur l’Intelligence Artificielle européen (RIA), les droits d’auteur, les droits voisins et le droit des données personnelles (RGPD), c’est l’immense majorité des oeuvres – fictions, documentaires ou programmes à destination de la jeunesse – qui, d’ici peu, seront doublées par des robots depuis l’étranger. L’impact serait terrible : 15 000 emplois en France dont 5 000 artistes interprètes sont menacés, sans prendre en compte la perte en termes de richesse et de diversité culturelle. Et après le doublage, ce sera au tour des artistes à l’image !
Le danger est réel pour l’audiovisuel et le cinéma français et il faut agir maintenant. En attendant que les négociations aboutissent dans notre secteur, il est urgent de renoncer à tout usage de l’IA dans le doublage. Les commanditaires doivent nous entendre et s’y tenir.
Nous avons des propositions simples et concrètes en matière de respect du consentement et, à défaut d’interdiction, de transparence sur l’utilisation de nos données, d’étiquetage des contenus, de conditionnalité des aides publiques, à présenter tant aux commanditaires de doublage qu’aux pouvoirs publics, afin d’encadrer l’utilisation de ces technologies, dans le respect des artistes et de leurs droits et ce, afin d’assurer l’avenir de leur métier, de leurs emplois et de leur savoir-faire.
21/01/2025 | Communiqué de Presse
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